L’humain derrière le patrimoine

6 octobre 2022 par Michel pour Gestion privée 1859

CONFIDENCE

D’emblée, on doit vous faire une confidence : le sujet de cet article n’était pas prévu. En approchant François, notaire-fiscaliste de formation, on s’attendait à rencontrer un homme sérieux, qui, calculatrice et lois de l’impôt à portée de main, nous en apprendrait davantage sur les aspects que nous considérions (naïvement) comme centraux à son travail : fiscalité, planification successorale, testament, placements, impôts, etc. 

Cependant, après à peine quelques minutes de discussion, face à cet homme jovial, ouvert et accueillant, on a dû rapidement changer notre fusil d’épaule : son travail demande bien plus que d’être un expert en fiscalité. 

« Évidemment, c’est un mélange d’aspects financiers et fiscaux, mais derrière ça, il y a un individu, avec l’historique de sa vie. Si je ne considère pas cela, c’est impossible de prendre de bonnes décisions. En fin de compte, c’est 80% d’humain et 20% de technique », nous dit-il. 

 

UN RETRAIT D'ENTREPRISE? OUI, MAIS...

Les possibilités sont multiples : transfert successoral, cession de parts, vente, retrait partiel, dissolution de l’entreprise, etc. Mais, avant même de décider le moyen par lequel la personne quittera sa propre compagnie, l’expert ou l’experte doit évaluer avec elle si elle désire réellement le faire.

« Pour mes clients, leur entreprise, c’est leur bébé ; on ne décide pas de se séparer de son enfant simplement parce que les conjonctures économiques sont favorables, et c’est quelque chose que les gens tendent parfois à oublier. Ainsi, il faut prendre le temps d’en discuter. On en ressort avec des informations qui, bien qu’elles ne soient pas chiffrables, ont un impact sur les calculs futurs bien plus important que les chiffres eux-mêmes. »

 

FISCALISTE SANS FRONTIÈRES

Pour illustrer son propos, François compare le métier de spécialiste en gestion de patrimoine à celui de médecin : « Un bon ou une bonne médecin, premièrement, c’est une personne qui écoute, qui est empathique et en qui on a confiance. Ce n’est pas quelqu’un qui va simplement réciter une posologie et faire une prescription. Nous, c’est un peu pareil. Oui, on est tous de très grands experts ; on peut faire des calculs de haut niveau, mais on n’aidera pas la personne si on ne s’arrête pas un moment avec elle pour connaître sa situation globale. »

Les compétences fiscales ne sont donc qu’un moyen mis au service de l’atteinte des objectifs de la clientèle. La définition de ces objectifs, tout comme le diagnostic médical, est infiniment plus cruciale que la « prescription » faite par la suite.

 

PRÉVENIR PLUTÔT QUE GUÉRIR

François nous prévient aussi des impacts inévitables de la négligence des aspects humains dans la gestion de patrimoine.

« Je te donne l’exemple d’un transfert d’entreprise qui échouerait parce qu’on aurait mal saisi que le client n’est pas totalement prêt à se détacher de celle-ci : sur le plan des aspects juridiques et fiscaux, tout serait parfait. Mais, sans l’aspect humain, on serait passé complètement à côté de l’objectif. Si la personne n’est pas prête à se retirer, elle garde un trop grand contrôle sur l’entreprise, ce qui cause des frictions avec les repreneurs et repreneuses et, après deux ou trois ans, ça n’aurait pas fonctionné ou la chicane aurait pogné… »

Il ajoute : « Si on avait pris le temps, on aurait mis en place un autre processus de retrait, plus progressif cette fois, en considérant les besoins et désirs de chaque individu impliqué. »

 

ENCORE TROP PEU CONNU

Même si l’aspect humain dans la gestion privée est incontournable, c’est encore un sujet insuffisamment mis en valeur dans l’industrie.

« En tant qu’enseignant à la maîtrise en fiscalité, je dérange en abordant ce sujet lors de mes cours. Mes étudiants pensent qu’être un bon ou une bonne fiscaliste, c’est simplement savoir réduire au minimum les impôts de leur clientèle. C’est juste une partie de leur métier, et je dois leur faire comprendre qu’ils ne le feront pas bien à long terme s’ils n’apprennent pas à écouter entièrement le client ou la cliente. »

 

POUR LE PLAISIR, TOUT SIMPLEMENT

« Parler des passions, des rêves et d’autre chose que les aspects financiers, non seulement ça nous donne des informations précieuses, mais ça rend aussi les autres discussions plus plaisantes… Il faut savoir jaser et avoir du fun! »

Il poursuit : « Tout le monde a besoin de parler de ces aspects parce que tout le monde a une histoire. Les événements sur lesquels on travaille avec nos clientes et clients sont importants dans le cours de leur vie. Une fois que j’ai développé une relation de confiance avec eux, je participe aussi à leur histoire, en quelque sorte. J’entre dans leur intimité, c’est magnifique ; c’est même ce qu’il y a de plus gratifiant dans mon travail. »

 

François dirige aujourd’hui les 10 experts et expertes du Centre d’expertise de Gestion privée 1859, qui est au service d’humains de partout à travers le Canada. Il enseigne aussi la planification successorale dans le cadre de la maîtrise en droit, option fiscalité, à HEC Montréal. Malgré ses fonctions de direction et d’enseignement, il n’arrêtera jamais de travailler en tant qu’expert-conseil.